#20 Le baromètre du lapin : Douleur et météo

Bonjour à tous !

Vous vous êtes toujours demandé si le temps jouait vraiment sur la douleur ? Vous êtes concerné, vous avez la sensation que la douleur change avec le ciel ? Vous soignez des gens qui rapportent un lien fort, naturel, évident, séculaire, entre la météo et les fluctuations de la douleur ? Cet épisode est fait pour vous. Pourquoi la douleur semble plus forte quand le temps change, comment le temps fait mal, vraiment, supposément ou pas du tout, allons voir ensemble ce que nous dit la recherche actuellement disponible sur le sujet.

Bonne écoute

Les mots à définir : Voir le glossaire

La bibliographie utilisée

Les treize articles qui tentent d’explorer le lien entre la douleur déclarée et la météo :
  • En 1929, Rentchler, sur 367 patients, constate l’augmentation des plaintes douloureuses en période hivernale à l’échelle du groupe mais aucun effet significatif à l’échelle individuelle de la température sur la douleur.
  • En 1990, Guedj, sur 62 patients répartis dans 4 groupes en fonction de la pathologie de chacun (Polyarthrite rhumatoïde, fibromyalgie, arthrose, et « pathologies diverses ») retrouve une douleur plus forte lorsqu’il pleut, chez les patients atteint d’arthrose. ça sera l’une des seules, et elle n’est pas très fiable car c’est dans un tout petit sous-groupe (n=24), à conclure à un lien visible entre pluie et douleur.
  • En 2003, Wilder conduit une étude prospective sur 154 patients présentant de l’arthose sur plusieurs sites différents et suivant en parallèle un programme de réentrainement à l’effort. L’impact du réentraînement n’est pas considéré. La seule significativité retrouvée après ajustement concerne les femmes présentant de l’arthrose dans les mains qui seraient plus douloureuses après plusieurs jours consécutifs d’augmentation de la pression atmosphérique.
  • En 2009, Faith-Cay sur 56 patients, estime que la fluctuation des symptômes en fonction du temps est d’environ 1% dans les cas de polyarthrite rhumatoïde, 0,2% dans les spondylarthropathies et 2 à 17% pour l’arthrose mais la fiabilité de cette analyse est très faible
  • En 2009, Smedslund, auprès de 36 patients soufrant de polyarhtrite rhumatoïde, explore l’effet de multiples variables de temps sur la douleur. il retrouve quelques éléments un peu significatifs (notamment les changements de flux solaire dans les jours précédent le relevé) mais entraînant une variation des symptômes si faibles qu’elle en est peu contributive.
  • En 2010, McFarlane confronte chez 2491 patients (notamment souffrant de fibromyalige 38%) leurs relevés de douleur et la météo. La douleur reportée le jour-même est fortement corrélée au sommeil (mauvais sommeil = 6x + de risque de douleur diffuses généralisées), elle est plus fréquente chez ceux qui ont déclaré ne pas avoir fait d’exercices ou ressenti un ennui important. Elle n’est pas modifiée par la pluie ou la pression atmosphérique. Elle est diminuée à partir de 6h et au-delà de soleil par jour, temps associé à une augmentation de la qualité du sommeil, de l’exercice et moins d’ennui.
  • En 2012, Connolly s’est intéressé au bien-être perçu et son rapport à la météo chez 3982 patients. On y retrouve la citation sur la durée de travail, augmentée les jours de pluie. La température aurait un effet moyennement significatif sur les sensations de bonheur, de fatigue et de stress avec un effet positif des températures basses (période mai-août), facteurs qui eux-même, jouent sur la douleur. Le seul résultat très net c’est la diminution de la satisfaction des patients lors des températures maximales.
  • En 2013, Bossema s’est intéressé à 334 patientes souffrant de fibromyalgie. Malgré une croyance unanime que le temps modifie la douleur, on la retrouve ici plutôt influencée par les jours de la semaine (Mardi/Vendredi en hausse, dimanche en baisse). Ils évoquent une petite association moyennement significative pour une heure de soleil en plus = -0,005 de douleur, un dégré en plus = +0,01 fatigue et un % d’humidité en plus = -0,004 de fatigue. Ces résultats sont-ils cliniquement pertinents ? Pas sûrs.
  • En 2014, Dorleijn a étudié, à la suite d’une revue de 11 articles, chez 188 patietnts atteints d’arthrose de hanche, le lien entre la douleur et le temps. Ici 10% d’humidité en plus augmenterait la douleur de 1%, 10hPa de plus amputerai la fonction de 1% et 10mm de plus dans les 2 jours précédent le relevé aurait un impact positif jusqu’à 2% sur la fonction. Sur les deux ans de suivi les variations maximales d’humidité et de pression n’auraient pu modifier la douleur que de 5% maximum et la fonction de 6%.
  • En 2014, Steffens a considéré le temps face aux douleurs lombaires aiguês chez 993 patients en retrouvant un effet minime d’un vent fort et de rafales dans les deux jours précédents le relevé, sur la douleur, cliniquement non fiable.
  • En 2016, Schulman s’est interrogé sur les douleurs après un traumatisme orthopédique chez 850 patients et le rapport à la météo. Ils retrouvent grâce à des manipulations mathématiques peu orthodoxes, une très faible corrélation où la douleur serait majorée à un an seulement, par des pressions atmosphériques basses, des températures hautes ou un taux d’humidité important. Ils concluent que les chirurgiens devraient valider cette hypothèse pour limiter les effets du catastrophisme. Malheureusement ce n’est pas ce qui ressort de façon fiable de cette analyse au vu des biais qu’elle comporte.
  • En 2017, retour sur les lombalgies aiguës et la météo avec Beilken et 981 patients où le seul lien à peine significatif retrouvé concerne les températures maximales qui pourraient, là encore augmenter la douleur mais de très peu. Ils concluent que la météo ne peut pas être considérée comme un facteur de risque de lombalgie.
  • Enfin, en 2019, Dixon, à l’aide d’une application de relevés de symptômes au nom très (trop) orienté, étudie la douleur de plus de 2500 patients (85% de femmes) et son lien avec le temps. Autant les corrélations avec le temps sont minimes, autant on retrouve un lien plus net entre humeur et douleurs ou selon les jours de la semaine (lundi-jeudi VS dimanche). La pire conjonction de temps possible augmenterait le risque d’avoir légèrement plus mal que d’habitude de 20%
La revue systématique qui fait le point en 2011

Grâce à Greg Smedslund, en 2011, 9 articles ont été confrontés les uns aux autres, dans une revue accompagnée d’une méta-analyse, portant sur les rapports entre le temps et l’intensité de la douleur chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde. La conclusion est sans appel. Le corpus disponible à ce stade, ne permet pas de conclure à une association entre l’intensité de la douleur et la température extérieure, l’humidité et la pression atmosphérique. Il évoque 3 hypothèse de liens dont le lien biomécanique non démontrable, le lien, connu entre l’humeur et l’augmentation de la perception de la douleur et la mauvaise attribution cognitive.

Les six articles qui analysent les croyances des patients
  • En 1995, Jamison interroge 558 patients sur le lien perçu entre douleur et météo dans quatre lieux au climat relativement distinct. 39% des patients sont atteint d’arthrose, 54% souffrent de lombalgie chronique. L’ensemble des patients souffre depuis 8 ans environ. 68% d’entre eux déclarent que le temps influence leur douleur. Ils constatent ce changement lorsque l’humidité (72%) ou le froid (60%) se majorent mais sans influence des saisons (52%); Chez ces patients météo-sensibles, on relève des troubles du sommeil (39%) et de l’humeur (50%). L’âge (jeune) et l’association de la douleur à un phénomène d’arthrose majorent la sensibilité au temps. Les patients qui vivent dans des climats froids et humides ne sont pas plus douloureux.
  • En 2004, NG et Scott analysent chez 149 patients, aux pathologies rhumatismales variées, leur croyance que le temps influence leurs douleurs. 74% d’entre eux se déclarent météosensibles.
  • En 2009, Faith-çay en questionnant le facteur dominant de perception de la douleur (météo ou psychologie) retrouve la croyance liée au temps chez 84% des 56 patients. Des patients qui ont du mal à considérer leur condition physique et les facteurs de stress comme plus prégnants que le temps lui même alors que dans cette étude, l’activité physique et le score de dépression sont non seulement corrélés entre deux mais également corrélés au niveau douloureux décrit. (Voir + haut)
  • En 2010, McFarlane interroge 2596 patients sur ce qui modifie leur douleur et ils sont 80% à penser au temps comme deuxième facteur influençant leur douleur.
  • En 2013, Bossema s’est intéressé à 334 patientes souffrant de fibromyalgie et 92% d’entre elles estiment que la météo modifie leur douleur.
  • En 2014 Timmermans évalue la sensibilité au temps et la modifications des douleurs « articulaires » chez 712 patients de 5 pays différents, âgés de 65 à 85 ans. 66% des patients se déclarent sensible au temps. On retrouve un lien entre les stress émotionnels, l’anxiété et le niveau douloureux déclaré chez les patients souffrant d’arthrose. Les facteurs de sensibilisation au sexe relevés sont le sexe (Femmes), le niveau d’éducation (bas), le niveau d’autoefficacité (bas), l’humeur (basse) et la consomation d’antalgique (haute). La douleur est statistiquement plus forte chez les patients météosensibles (jusqu’à 1 point) et plus dans les pays chauds et secs.

Merci à vous pour votre soutien

A très bientôt

Sur le temps d’un Lapin !

Laisser un commentaire