Pour la rentrée 2023 du Temps d’un Lapin, nous vous diffusons l’enregistrement sans filet et sans montage de la soutenance de Marie pour l’obtention du diplôme Universitaire « Lutte contre les discriminations et accès à la santé ». Cette soutenance s’intitule « C’est dans la tête » un préjugé ET une réalité scientifique.
Vous trouverez ci-dessous l’audio avec le power-point, disponible sur youtube et la version texte pour ceux, pour qui c’est plus facile de lire que d’écouter.
N’hésitez pas à nous faire un retour, nous prévoyons de les compiler dans un prochain épisode et qui sait, sur un live, une nouvelle soirée pyjama, ça vous tente ?
Bonne écoute
M&V
Les épisodes cités ici

Transcription écrite
Bonjour ou bonsoir,
Bienvenue sur le temps d’un lapin le podcast qui parle de la kinésithérapie du soin et de la science mais pas trop longtemps juste le temps d’un lapin.
Aujourd’hui un épisode un peu spécial puisque Marie a eu l’autorisation d’enregistrer sa soutenance du diplôme universitaire « Lutte contre les Discriminations et Accès à la Santé » de l’Université de Saint-Étienne. Pour caricaturer c’est le DU wokisme et santé. Rappelez-vous ce DU Yvan Sonjon était venu nous en faire l’éloge dans l’épisode numéro 64 qu’on vous invite à écouter ou réécouter. Bien évidemment Marie s’y est inscrite et a présenté son mémoire intitulé « C’est dans la tête : un préjugé et une réalité scientifique ». Cet épisode sera rapidement disponible sur Youtube avec le support qu’a utilisé Marie lors de sa soutenance. On reviendra dans un deuxième épisode pour discuter avec Marie autour de son sujet de mémoire et faire un retour global sur l’ensemble de ce diplôme universitaire. Voici donc l’enregistrement sans filet et sans montage …
Alors moi je vais vous parler de l’expression « c’est dans la tête » qui est à la fois un préjugé et une réalité scientifique et je voudrais qu’on aborde les deux pans de cette expression. Pour les personnes qui ne me connaissent pas, je suis kinésiterapeute je suis autrice, co-autrice d’un podcast qui est un podcast de vulgarisation de la kinésithérapie scientifique et de la douleur en général [Lien].Je me définis maintenant comme spécialisée dans la prise en charge de la douleur chronique on n’est pas censés le dire officiellement on va faire une entorse aujourd’hui.
Alors pourquoi je voudrais vous parler des deux pans de cette expression ? L’expression « c’est dans la tête » on l’utilise très fréquemment encore aujourd’hui pour des personnes qui souffrent de douleur ou de problèmes de santé qu’on a du mal à expliquer et elle revêt un caractère qui tend vers l’affabulation : si on ne comprend pas « c’est peut-être que cette personne elle exagère, c’est peut-être que cette personne elle en fait un peu trop » avec une forme de jugement moral dont on va discuter tout à l’heure. Or quand on s’intéresse vraiment aux mécanismes de la douleur là on se rend compte que dans cette expression « c’est dans la tête » il y a quand même une très grosse part qui relève de la réalité scientifique et une part qui pourrait nous servir aujourd’hui à améliorer la situation des personnes qu’on va accompagner nous au quotidien.
Avant de se lancer, du coup, faut que je vous pose une question : est-ce que vous êtes prêtes et prêts à ce qui va se passer ? Parce que là alors pour ceux qui n’ont pas la référence, là moi je vous propose comme dans Matrix de choisir entre la pilule bleue et la pilule rouge. Moi je voudrais vous donner la rouge c’est celle qui va vous donner accès à une réalité qui est peut-être un peu inconfortable qui est peut-être désagréable parce qu’elle va peut-être bousculer des croyances que vous aviez sur la douleur euh j’y suis passée hein tout le monde y passe. Maintenant [cette pilule] elle nous permet de voir les choses vraiment d’une façon tellement différente qui nous permet d’apporter des solutions et je pense qu’on ne peut pas s’en passer. Donc si vous êtes pas prêt.e.s, il y a deux portes [Dans cette pièce].
[Intervention d’un des membres du jury :
« Mais y en a une qui est fermée à clé »
« Ah faut bien choisir alors »]
Alors l’affabulation d’où ça vient ? Bon moi je me suis aussi un peu essayée à l’historique médical, c’était pas franchement une grande réussite alors je vais surtout vous parler du modèle biomédical. Le modèle biomédical c’est la façon de considérer les problèmes de santé qu’on a eu pendant allez une quinzaine de siècles [En vrai beaucoup plus] qui a été très efficace jusqu’à présent dans plein de situations, dans la plupart des situations et puis qui est efficace aussi parce qu’il est très logique. Il est très compréhensible et j’ai envie de dire pour le commun des mortels c’est-à-dire qu’on soit soignant ou pas soignant. Ce modèle il est simple : il veut que la douleur soit la conséquence d’une lésion. Il y a une anomalie quelque part c’est pour ça qu’on a mal. Plus la lésion elle est importante plus on va avoir mal. Et [dans ce modèle] les nerfs sont des structures qui permettent à de transporter le message douloureux. Bah du coup-là, c’est assez simple si je n’ai pas de lésion comment je peux avoir une douleur ? Est-ce que la douleur que je peux verbaliser elle existe vraiment ? Est-ce qu’elle est réelle ? C’est là où on va glisser vers la question de l’affabulation et on verra tout à l’heure, du préjugé.
Si on veut sortir de cette question du jugement, il va falloir qu’on passe dans le modèle BPS, biopsychosocial. C’est un modèle qui est plus récent dont on parle depuis au moins 60 70 ans mais qui a du mal à faire sa place. On en parle en cours mais il a du mal à être bien compris au quotidien. Il repose simplement sur notre compréhension de la douleur qui a évoluée et les données scientifiques qu’on a pu dégager de l’étude de ce phénomène.
La douleur n’est pas la conséquence d’une lésion ! Première pilule rouge. La douleur c’est une production mentale face à la menace. Ça veut dire que ça vient d’en haut et ça vient toujours d’en haut quoi qu’il arrive même si vous n’êtes pas confortable avec ça. Plus la lésion elle est importante plus ça fait mal, c’est pas vrai. C’est la menace perçue qui va définir l’intensité de la douleur. Ça peut paraître effrayant comme ça mais en fait non il y a plein de situations où on ne pourra pas jouer sur la lésion mais on pourra jouer sur la menace Donc toutes ces situations où on pense qu’on ne peut rien faire bah si en fait on pourra toujours faire quelque chose parce qu’on pourra toujours avoir des leviers qui vont intéresser quelque chose de beaucoup plus large avec cette notion de menace. Et puis enfin les nerfs transportent les messages douloureux, pareil ce n’est pas vrai. Il n’existe pas de voies de la douleur. En fait, vous avez dans votre corps des capteurs qui vont surveiller tout ce qui se passe et qui vont envoyer des messages d’alerte. On appelle ça les nocicepteurs ou le système nociceptif. Quand il va y avoir des sensations inhabituelles en terme de nature et d’intensité « ah là il y quelque chose de bizarre » ce système il va envoyer une alerte à votre cerveau.
Et du coup je vous partage mon infographie préférée, la bonne pilule rouge en entier et bien c’est le cerveau qui produit la douleur à partir de ce qu’il va recevoir des nocicepteurs du coup des informations sensorielles qui sont ici. Dans le modèle biomédical on a tendance à penser que les informations sensorielles produisent la douleur. Dans la vraie vie ce qui se passe c’est que les informations sensorielles, elles font partie d’un ensemble de déterminants qui vont constituer une équation à partir de laquelle la douleur sera produite. Donc le cerveau produit la douleur mais ce n’est pas dans votre tête.
Il existe aujourd’hui un terme particulier pour les douleurs qu’on ne comprenait pas bien et qui sont regroupées sous cette appellation « c’est dans la tête ». On appelle ça les douleurs à composante nociplastique. Ce sont des douleurs où on ne va pas trouver de preuves évidentes de dommages ou de menaces tissulaires censées activer les nocicepteurs périphériques. Ce sont des douleurs qu’on va retrouver dans des syndromes dont on parle beaucoup mais qu’on connaît encore assez mal comme la fibromyalgie la fatigue chronique le syndrome du colon irritable… On en voit aussi dans certaines formes d’endométriose, de migraines, de douleurs pelviennes…on pourrait parler aussi du rapport entre douleur nociplastique et hystérie.
C’est compliqué comme type de douleur parce que dans un monde où on est tous un petit peu branchés là-dessus [Modèle biomed : informations sensoreilles => douleur] ben c’est difficile quand on se retrouve dans une situation où les informations sensorielles n’existent plus ou en tout cas on n’arrive pas à les trouver. Et là on a deux options, soit on continue à chercher un truc qui n’existe pas et qui n’existera peut-être jamais, ça prend beaucoup d’énergie en attendant il y a toujours quelqu’un qui souffre c’est pas nous c’est le patient. Soit on se rappelle que bah dans ce modèle il y a d’autres choses et que peut-être sur ces autres choses on va pouvoir travailler. Ça ne veut pas dire qu’on ne va pas prendre en charge la douleur. Concrètement ça veut juste dire qu’on va la considérer dans son ensemble et que peut-être on amènera un soin qui sera plus global et plus juste.
Du coup je reviens sur l’expression « le cerveau produit la douleur mais ce n’est pas dans votre tête » où le « c’est dans la tête » [apparaît] en tant que stéréotype ou préjugé. Alors moi j’ai choisi dans mon travail écrit de parler de préjugé. « C’est dans la tête » c’est un stéréotype, c’est une catégorisation des personnes qui souffrent de douleurs nociplastiques. On suppose que [pour] ces personnes il y a quand même quelque chose qui ne va pas là-haut, elles exagèrent, elles cherchent un peu bon mais dans cette catégorisation il n’y a pas que de la catégorie il y a aussi du jugement moral et c’est là où pour moi c’était important de parler de préjugés. Parce que les personnes qui souffrent de douleur nociplastique dans la plupart des cas elles se voient invalidées en terme de réalité des symptômes, de l’intensité de leurs symptômes… On se poser des questions sur « bah est-ce que ça les arrange pas finalement d’être malade est-ce que ça les arrange pas finalement de pas aller travailler à temps plein » et cetera et cetera. C’est pour ça que moi je voulais vraiment parler du préjugé. Parce que c’est pas juste une case dans laquelle on range des gens avec lesquels on est inconfortable c’est aussi une case dans laquelle on va taper sur la tête de ces personnes justement et du coup être discriminants.
La discrimination c’est le fait de traiter différemment une personne en fonction de critères particuliers. Les personnes qui ont des douleurs nociplastiques, ce sont des personnes à qui on va souvent répondre « ce sont pas de vraies douleurs » ou « ce ne sont pas des douleurs comme les autres » ouais pourquoi pas sauf qu’en fait aujourd’hui si on regarde la littérature qui existe sur le sujet, il y a eu des comparaisons entre la douleur vécue par des personnes avec des douleurs nociplastiques et des personnes avec des symptômes similaires mais sur des pathologies où on a des lésions associées. Typiquement on compare la douleur de personnes qui ont une fibromyalgie avec la douleur de personnes qui ont une polyarthrite rhumatoïde avec de l’inflammation, des articulations abîmées et cetera. Ben les personnes fibromyalgiques ne sont pas moins douloureuses que les personnes qui ont une polyarthrite, elles sont souvent aussi douloureuses voir plus et elles ont parfois des scores de santé mentale et physique qui sont moins bons. Ça veut dire que ces personnes qui n’ont pas de lésion [chez qui on] ne trouve pas d’anomalie dans leur corps, elles vont quand même moins bien que celles qui ont des lésions. Et pourtant on va continuer à essayer de leur faire croire qu’elles n’ont pas vraiment mal qu’elles ont tort d’avoir mal qu’elles ont tort d’avoir aussi mal…
Et ça j’en viens au deuxième point c’est ce qui est très fréquent chez les personnes qui se voient invalidées au niveau de leurs symptômes bah c’est la stigmatisation internalisée. Quand on n’arrête pas de vous dire que vous avez pas vraiment de bonnes raisons d’avoir mal que peut-être vous n’avez pas si mal que ça, que peut-être vous exagérez que peut-être vous n’êtes pas en forme psychiquement … Mais en fait vous n’avez plus envie d’aller parler de ce qui vous arrive, vous n’avez plus envie d’avoir un diagnostic puisque de toute façon le [seul] diagnostic qu’on vous donne jusqu’à présent c’est juste dire que vous avez tort et que vos symptômes n’existent pas.
Ça c’est pas anecdotique puisque visiblement ça concerne à peu près 40 % des personnes qui vivent avec de la douleur chronique et donc des douleurs nociplastiques. Et vous pouvez imaginer ce que ça peut engendrer en terme de risque sur le non recours au soin pour la pathologie douloureuse mais aussi pour les autres pathologies. Parce que malheureusement quand on est douloureux chronique ben ça nous empêche pas d’avoir aussi d’autres pathologies, d’autres problèmes de santé et du coup d’avoir besoin de recourir au système médical.
Il y a plusieurs autres types de discrimination pour les personnes concernées. On va avoir tout un phénomène d’intersectionnalité. « C’est dans la tête » c’est souvent, c’est surtout « dans la tête des femmes » globalement. Faut pas se le cacher euh le risque de douleur chronique il est multiplié par deux si vous êtes une femme c’est-à-dire que rien que le genre auquel vous vous identifiez il va augmenter le risque que vous souffriez un jour de douleur chronique. On a un ratio énorme au niveau de la fibromyalgie qui est de six femmes pour un homme. Il y a des sous-diagnostics chez les hommes peut-être des surdiagnostics chez les femmes à l’instar de l’hystérie mais dans tous les cas on a quand même un ratio qui est très très important avec beaucoup de femmes qui sont touchées et beaucoup moins d’hommes.
Et puis alors quand on s’intéresse à la question du genre dans le traitement de la douleur on se rend compte que les femmes qui souffrent de douleurs (à composante) nociplastique.s, elles ne vont pas forcément recevoir les mêmes soins que les hommes. D’abord en terme d’orientation diagnostique : elles vont être plus souvent orientées vers des soins psychiatriques que des soins somatiques par rapport aux hommes. On ne va pas leur proposer les mêmes traitements antalgiques, on va leur proposer des antidépresseurs plus tôt, plus souvent, alors c’est forcément une mauvaise chose mais c’est pas dans la même démarche de soin. Les femmes vont déclarer trois fois plus d’effets indésirables en lien avec les médicaments que ce que les hommes ne déclarent en sachant qu’on est sur des pathologies typiquement la fibromyalgie c’est une maladie qui est extrêmement invalidante parce qu’elle se compose de douleurs qui sont diffuses, qui sont pas rationnelles, qui sont variables. Elles s’accompagnent de signes cérébraux avec des difficultés de concentration, un brouillard mental, vous pouvez y voir associés des troubles digestifs, des migraines enfin c’est vraiment vraiment pas la panacée comme pathologie.
Il y a un deuxième point [de discrimination] c’est la question de la psychiatrie et ça c’est un héritage du dualisme [dans l’idée qu’il existe une] médecine du corps et de l’esprit. Si dans le corps, on n’a pas de problème c’est que forcément il y a quelque chose qui ne va pas là-haut et on reste sur le « c’est dans la tête ».
Les personnes qui souffrent de fibromyalgie par exemple n’ont pas plus de troubles de l’humeur que dans la population générale. Il y a peut-être un peu plus d’anxiété mais c’est tout. Un point qui est très invisibilisé et qui me pose vraiment souci c’est que quand on vit une pathologie douloureuse comme celle-là d’abord on a du mal à comprendre ce qui se passe on a du mal à être compris de notre entourage on a du mal à en parler quand on en parle on a du mal à être écouté on a du mal à être soigné correctement et vous imaginez bien que tout ça, ça cause une détresse, c’est normal. La douleur elle s’associe à une détresse surtout quand elle dure, surtout quand on ne la comprend pas, cette détresse elle est légitime, elle est un facteur de risque de troubles de santé mentale comme la dépression. Vous avez des personnes douloureuses chroniques qui deviennent dépressives parce que bah parce que c’est difficile clairement faut pas se leurrer. Et en fait très souvent le problème de la psychiatrisation c’est de dire ok cette personne a une détresse donc c’est que la douleur vient de là donc je vais traiter la détresse et la dépression et ça ira mieux. En traitant cette conséquence bah on invisibilise toutes les causes antérieures qui sont que vivre avec de la douleur c’est très aliénant pour la santé mentale et j’utilise ce terme volontairement.
Et puis il y a un autre point, si je reviens sur le « d’abord ne pas nuire ». Imaginons un professionnel de santé qui exerce sous l’influence du stéréotype et du préjugé « c’est dans la tête » imaginons quand bien même et c’est là le petit truc qui est censé être rigolo à côté quand bien même vous êtes persuadé que cette personne qui est devant vous qui souffre « c’est dans sa tête » le problème, qu’est-ce qui vous empêche de dire « comment est-ce que je peux aider cette personne sur le plan du moral, comment est-ce que je peux la soutenir ? » Qu’est-ce qui fait qu’à un moment on a fait en sorte que la plupart du vécu des personnes concernées sur le retour des professionnels de santé soit « vous pourriez faire des efforts ». Même si c’était dans la tête au sens de la psychiatrisation du terme on pourrait essayer de demander si ces personnes elles ont du soutien, comment ça se passe dans la famille, comment ça se passe, je sais pas, sur le plan des relations amoureuses, sur le plan du travail, qu’est-ce qui pourrait les aider à ce que cette détresse soit moins forte mais non « détendez-vous, faites du yoga, faites du sport ». Oui super ! MAIS QUI, qui accepte ça ?
C’est vraiment un [gros] souci, c’est que là, on va en tant professionnel de santé, dans notre comportement, on va nous-même induire déjà de la discrimination mais on va aggraver la situation alors que même dans le préjugé vous avez les questions et les réponses. Le problème c’est qu’être victime de préjugés ça a des conséquences directes sur l’état de santé. Moi je parle de la douleur parce que c’est ce que je connais mais en fait si on met bout à bout tout ce que les préjugés peuvent apporter sur ce schéma [Infographie le cerveau produit la douleur]. La peur de consulter, la détresse, le doute « est-ce que j’ai est-ce que j’ai raison de ressentir ce que je ressens », « est-ce que ce que je ressens c’est vrai ? » c’est hyperperturbant au niveau de la connaissance, de la croyance qu’on peut avoir.
« Si personne peut me soigner est-ce qu’un jour je vais aller mieux, est ce que je vais devoir vivre toute ma vie avec cette douleur et si je peux pas en parler même à mon partenaire, à mes enfants, à mes collègues, comment est-ce que je peux parler, à qui… »
Plus les personnes douloureuses sont victimes d’invalidation et plus le niveau de la douleur va être élevé chez ces personnes, moins elles vont réussir à en parler, moins elles vont réussir à recourir à des soins, à demander de l’aide ou à parler des autres douleurs. On rentre dans un cercle vicieux. Ce préjugé qu’on a qui est une manière de penser un raccourci qu’on a l’impression peut-être qui aide parfois bah non il peut suffire à faire que des gens qui n’aillent pas bien, aillent encore plus mal et ça moi aujourd’hui je ne peux pas l’accepter.
Après faut quand même finir sur quelque chose de positif. Ça [Infographie « Le cerveau produit la douleur »], c’est une bonne nouvelle en fait ça c’est vraiment une bonne nouvelle si on arrive à l’expliquer, à le comprendre correctement. Je ne peux pas passer des heures à vous parler de ça. On a fait un épisode [du podcast] sur le temps d’un lapin qui s’appelle « voguer vers un mieux ». C’est la vulgarisation d’une métaethnographie sur ce que c’est que de devenir douloureux chronique et de commencer à ne plus l’être, de commencer à guérir. Cette méta ethnographie commence par des témoignages de gens qui disent « je me sens déchiré.e de moi-même, je me sens arraché.e au monde auquel j’appartiens ». Il faut voir la violence qu’il y a dans les mots sous la douleur chronique alors qu’on n’a toujours pas de lésions mais on a une violence qui est immense. Et dans cette dans cette étude, ce qu’on montre c’est que valider les sensations de la personne, valider son ressenti, lui expliquer comment, lui donner des manières de comprendre sa douleur pour qu’elle puisse elle-même l’expliquer … [On pourrait utiliser] le mot empowerment, on pourrait dire « empouvoirement » en français, c’est « voilà je vous rends les clés maintenant, je vous donne la connaissance de ce phénomène très compliqué que vous vivez, qui est légitime, vous n’avez rien inventé, je vous donne le peu de clés qu’on a, parce qu’on en a, ça permet à cette personne de prendre une forme de contrôle sur la douleur. Ce n’est plus la douleur qui prend toute la place maintenant. C’est la personne qui revient [au premier plan] et qui recommence à créer des projets. Et dans cette métaethnographie, les personnes concernées elles disent qu’elles commencent à guérir quand elles reprennent le contrôle, pas quand elles commencent à avoir moins mal. Quand elles reprennent le contrôle. Et ça c’est une nuance dont on pourrait se servir en permanence. Aller mieux c’est le voyage, c’est le chemin, mais c’est pas la destination c’est tout de suite et c’est maintenant.